Le nombril

Bientôt la fête des mères, c’est l’occasion d’offrir aux mères que vous êtes, aux mères qui partagent votre vie, à vos mères, un livre qui parle des mères … « Lune après Lune », aux Editions L’instant Présent

Voici les premiers paragraphes d’une des nouvelles de ce livre, la nouvelle est « Le nombril » :

« Un escargot, un cœur, une fente, une lune, une fleur, un abîme, un accent circonflexe, un ombilic, une crevasse, une étoile, un cratère, une dune, un coquillage, …

Le mien, voyons voir, ça y est, je sais, c’est la fleur qu’il tente d’imiter, oui, mon nombril s’exprime comme une fleur, avec son cœur bombé et ses pétales blonds incurvés, jaillissant en son pourtour.

Quoi ? Vous vous demandez comment puis-je regarder mon nombril ainsi ? Vous êtes-vous déjà penché sur votre nombril ? N’a-t-il jamais éveillé votre curiosité ? Non ? Savez-vous à quoi il ressemble ? Quelle forme a-t-il adopté ? Est-il souriant, triste, circonspect, austère ? On rencontre des nombrils austères, je vous assure, ils font peine à voir. Ils doivent s’ennuyer. J’affectionne particulièrement ceux d’humeur joyeuse, enjouée, un brin taquin, les béats m’amusent beaucoup et les sentimentaux me font fondre. Et alors, le vôtre, oui, oui, le vôtre ! Quittez un instant ces lignes et considérez-le. Vous ne l’aviez jamais regardé auparavant ? Moi je l’observe assez souvent : aujourd’hui, il est dans ses bons jours, il est heu-reux. Ce doit être parce que je parle de lui, il adore se donner en spectacle, briller. Il jubile. Mon nombril boit du petit lait !

Il est vrai que nous ne manifestons à son endroit que de l’indifférence. Car, objectivement, que peut-il nous apporter ?

Mes mains ont le délicieux avantage de caresser la peau lisse et ferme de mon tendre amour ou d’applaudir à tout rompre aux exploits du trapéziste ; ma peau réagit selon son humeur à l’atmosphère du moment et peut délibérément faire se dresser un bataillon de poils dorés sur mes avant-bras ou les laisser paresser et languir au soleil ; mes yeux s’émerveillent devant les beautés de ce monde et sont témoins de sa lâcheté et de sa violence ; mes oreilles armées de leur tympan vibrent sous le rire des enfants et frémissent lorsque le silence s’impose ; mes jambes me portent et me transportent au gré de mes emportements ; ma bouche, avec la complicité de mes papilles, goûte, déguste et savoure ou bien encore dévore ; mes lèvres sourient et peuvent aussi dévoiler une moue boudeuse, eh oui ; et mon sexe n’oublie pas de s’exprimer si le cœur lui en dit. Rien à la surface de mon corps ne semble inutile, si ce n’est une crevasse que l’on nomme nombril, là, juste au milieu.

Il est là, insignifiant, sur la plaine de mon ventre. Mais pourquoi sommes-nous si indifférents à son existence ? Pas si indifférents qu’il n’y paraît ! »

 

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